Culture

Les vidéos et textes de nos interventions dans le domaine de la Culture en 2019.

 

SESSION JUIN 2019

Projet stratégique breton pour le cinéma et l’ audiovisuel

Mona Bras

Texte:

Monsieur le Président, mesdames et messieurs les vice-présidentes et vice-présidents, chers collègues

Il est toujours très difficile d’intervenir après Jean-Michel Le Boulanger, mais j’ose, animée par ce que Igor Sikorsky, un pionnier russo-américain de l’aviation, et inventeur de l’hélicoptère, appelait l’  « ignorance du bourdon » car je reprends ses arguments : « Selon les lois de l’aérodynamique, le bourdon ne peut pas voler : le rapport mathématique entre sa tête, trop grande; et ses ailes, trop petites, l’empêche de soutenir son corps en l’air. Mais le bourdon ne le sait pas : c’est pourquoi il vole.»

Ceci dit, le titre de l’Express du 11 juin dernier : « Chaque année, le ministère de la Culture dépense 139 euros par Francilien contre 15 euros pour les habitants des autres régions.», ce titre disais-je, a le mérite de remettre en perspective cette fracture culturelle territoriale et sociale, fracture pérenne et inégalitaire au possible que les Régionalistes et autonomistes dénoncent depuis des décennies.

Et Jack Lang d’en rajouter en actant du fait que  l’État finance à lui seul 80 % de la vie culturelle de la capitale de l’Hexagone.

D’une manière générale, en France le chiffre d’affaires global et le nombre d’emplois générés par l’économie culturelle sont sept fois plus importants que ceux générés par l’industrie automobile. Sept fois plus importants.  La région Bretagne avait fait l’objet en 2016 d’une étude menée par le Conseil culturel de Bretagne, « Panorama économique des activités culturelles et patrimoniales en Bretagne. » L’introduction de cette étude se concluait ainsi :  » Source d’emplois le plus souvent non délocalisables, l’économie culturelle présente des vertus économiques plus fréquemment attribuées au secteur du bâtiment. Pourrait-on considérer à terme que « quand la culture va, tout va » ?

En ce qui concerne les aides d’État au cinéma, il faut malheureusement constater que trop souvent, au niveau de l’État,  l’argent public finance des superproductions et les super-salaires des stars françaises du grand-écran, alors que les aides publiques au cinéma sont à priori réservées aux petites productions d’art et d’essai qui peuvent parfois crever l’écran lorsqu’elles rencontrent leur public.

Je pense ici au film d’animation « Louise en hiver » que la Région Bretagne a co-financé en 2016, film co-produit en Bretagne par la société rennaise JPL Films spécialisée dans l’animation, et diffusé la semaine dernière sur Arte après son succès dans les salles obscures. Je pense aussi  au court métrage d’animation « Raymonde ou l’évasion verticale » produit par JPL Film de Rennes, co-financé par notre collectivité, et qui a remporté ce 10 juin, le prix de la meilleure animation au Brooklyn Film Festival !

De notre point de vue, ce succès des films d’animation créés et produits en Bretagne aurait mérité une attention particulière dans les objectifs stratégiques que nous avons identifiés.

Ce qui précède montre bien que ce n’est pas le montant astronomique des aides publiques qui fait le succès d’un film, mais son lien à l’imaginaire. Si je reprends  Gilbert Durand dans « Les  structures  anthropologiques  de  l’imaginaire », « la fonction d’imagination, loin d’être secondaire, s’avère transcendantale au sens où, l’imaginaire, irréductible à  un  ornement  irrationnel  qui  demeurerait  parqué  dans  les  domaines  du  rêve  et  de  la  fantaisie, constitue  le dénominateur  commun à  partir  duquel toute  pensée  se  déploie.» Or, nous savons à quel point la Bretagne est l’espace dans lequel l’imaginaire est bien vivant et bien enraciné.  

Vous nous proposez trois objectifs stratégiques que nous partageons, à savoir :

–          Conforter et développer une filière régionale de haut niveau,

–          développer une production cinématographique et audiovisuelle audacieuse et plus ambitieuse,

–          affirmer mieux les enjeux de singularité et de distinction de la Bretagne.

Nous avons souri à la lecture des chiffres annoncés qui sont un réel effort financier de notre collectivité vers le soutien à la création et l’aide aux entreprises du secteur. Pourquoi ce sourire ? Parce que ce budget fortement renforcé correspond à la part d’argent public injectée par l’État dans quelques cachets plantureux de certaines stars du cinéma français.

Pour autant, nous démontrons déjà la capacité à faire et à émerveiller des acteurs du cinéma et de l’audiovisuel bretons. Comme quoi, small is beautifull, et il est inutile de s’inscrire  dans une logique concurrentielle avec d’autres territoires qui certes bénéficient de budgets très supérieurs au notre, mais qui n’ont pas  nos richesses et nos atouts. La réussite du cinéma et de l’audiovisuel bretons sont fondés sur la singularité et l’identité de la Bretagne, sur notre intelligence collective et notre capacité à faire ensemble et à expérimenter de nouvelles manières d’être au monde et de partager notre imaginaire, nos paysages, notre créativité, notre sens de la fête et de la poésie. Le succès de la série policière allemande des enquêtes du commissaire Dupin, qui se déroulent toutes en Bretagne, montre aussi à quel point nos villes, nos paysages maritimes  ou ruraux, notre culture et nos ambiances, sont autant d’écrins prêts à accueillir l’imagination et l’action du 7ème art, qu’il s’agisse de films, de séries, de films d’animation ou de documentaires.

Effectivement la bataille de demain sera celle des contenus. Pour nous en convaincre, il suffit de constater le succès mondial des jeux vidéo de l’entreprise bretonne Ubisoft, jeux nourris de l’imaginaire, dont le siège social est à Rennes, qui frise les 2 milliards d’euros de chiffre d’affaire et qui emploie plus de 13.000 personnes

Monsieur le vice-président, vous nous proposez là une feuille de route ambitieuse, nous ne doutons pas que ça  bourdonne fort dans la ruche créative du cinéma et de l’audiovisuel bretons.